LE COSTUME
En fin d’année 1989, les portes du Gabon s’ouvrent devant nous pour notre première mission sur le continent d’Afrique.
C’est avec nos trois enfants que nous sommes invités et attendus à Libreville pour être accueillis par le Pasteur Francis Michel Mbadinga.
C’est au camp De Gaulle où il demeure que nous séjournerons ; son épouse Scholastique se trouve en maternité pour donner naissance à leur deuxième enfant, une petite fille.
J’étais habillé comme un missionnaire !
J’avais bien remarqué lors de ma première intervention, l’élégance avec laquelle les femmes étaient habillées, de même pour les hommes. Il y avait – il y a – de la couleur !
Voici qu’après une pluie tropicale, en descendant de la voiture, mes deux pieds dans un trou d’eau, voilà mes chaussures neuves tressées bien entachées.
Le lendemain nous sommes invités dans une famille pour le petit déjeuner prévu à 9 heures.
Si nous avions bien été vaccinés pour la fièvre jaune, nous allions être vaccinés pour supporter « l’heure gabonite ! »
C’est un fait de société gabonaise incurable ! Au sein même de la société, il y a un décalage horaire !
A 11 heures, enfin nous arrivons dans cette famille. Nous sommes accompagnés d’une délégation, car un sérieux défi culinaire est dressé devant nous sur la table en guise de « petit-déjeuner » : poulets grillés, poissons, omelettes, frites bananes, et suivants …
Le temps des actions de grâces rendues durant un certain moment par un frère sous une heureuse inspiration, une sœur vient me murmurer à l’oreille : « Michelle veut vous voir, elle est dans notre chambre ! »
Je m’interroge ? Et je me rends vers Michelle : « Que se passe-t-il ? »
Elle me rétorque : « Ôte tes vêtements, et habille-toi avec cela. »
Sur le lit, sorti de son emballage : Chemise, boutons de manchettes, cravate et pince à cravate, costume, chaussettes, chaussures neuves.
Convaincu que l’une des pièces telle que la mensuration de la veste ou du pantalon ne conviendrait pas. Car personne n’avait pris soin de prendre mes mensurations. Et, comme pour beaucoup d’entre nous, il me fallait toujours essayer avant d’acheter. Ici, dans le cas présent, aucun essayage !
Je m’habille donc tout neuf. Vraiment tout neuf. Pas d’occasion. Mais tout neuf, à l’italienne, car tout était de marque italienne. Les mensurations habits et chaussures à la perfection d’un mannequin pour un défilé de mode masculine !
Me présentant ainsi pour, enfin ! prendre notre petit-déjeuner, mon bien-aimé Révérend Francis Michel MBADINGA, me dira : « Maintenant, tu ne ressembles plus à un missionnaire ! Tu ressembles à un Gabonais ! »
Toutefois, demeure pour moi un mystère non élucidé jusqu’à ce jour : Comment ont-ils opéré pour avoir mes mensurations au point de trouver habits et chaussures « taillés » à ma mesure ?
Cet habillement a duré quelques années durant lesquelles nous nous rendions au Gabon au sein de notre famille de cœur.
Au bout de huit jours, le papa du pasteur, nommé affectueusement « papa Flavien », ancien consul du Gabon en France, me prend par la main pour nous mettre à part. Me fixant, il me dit :
« Pasteur Yves, je veux comprendre. Cela fait seulement huit jours que vous êtes là au milieu de nous, de la famille, nous vous observons. Mais comment faites-vous pour vous intégrer au milieu de nous ? Vous nous donner l’impression d’avoir toujours vécu avec nous ! Expliquez-moi ! »
Sans aucune préméditation, je crois que c’est l’expression de l’Amour de Dieu au milieu de nous tous. Nous sommes en famille ! Vous êtes notre famille comme nous sommes de votre famille ! Cela ne s’invente pas. Cela vient du cœur de Dieu et çà se vit !
C’est en finalité du sur-mesure !
Vivre dans la perfection de l’Amour de Dieu, c’est vivre dans ses œuvres préparées d’avance pour nous, elles sont à la mesure parfaite de notre stature. Et elles sont perfectibles.
En Jésus,
Son serviteur,
Yves Gravet